Biais implicites et sélection: Les faits et les meilleures pratiques

 « Les comités de sélection des programmes de bourses d’études sont objectifs. » Cette affirmation est vraie dans une certaine mesure. En effet, aucun membre de comité de sélection ne fait son travail dans l’intention d’exclure un groupe en particulier. Néanmoins, les êtres humains demeurent sujets aux préjugés implicites. 

Les préjugés implicites sont des raccourcis que prend notre inconscient pour substituer nos opinions d’arrière-plan à l’information manquante. Ces opinions se forment à partir de nos connaissances, de nos expériences, de notre éducation, de nos valeurs et de notre environnement. Elles influent donc sur nos choix et nos actions, et se manifestent sous la forme d’« impressions » ou de « réactions instinctives ». Par exemple, les hommes sont traditionnellement associés au pouvoir, à l’esprit d’initiative et à l’agressivité, et depuis toujours, les postes de direction sont occupés majoritairement par des hommes. Cela explique que, selon des études, pour deux curriculum vitæ identiques, les recruteurs auront l’impression que le candidat au nom masculin est plus qualifié pour un poste de direction que le candidat au nom féminin.  

En plus du sexe, nos préjugés implicites peuvent aussi teinter nos opinions selon l’âge, la race ou l’orientation sexuelle. D’autres études ont examiné le lien entre la consonance étrangère ou inhabituelle d’un nom et la sympathie que la personne inspire ainsi que ses chances d’être embauchée. Les candidats aux noms et aux accents étrangers étaient perçus de manière moins favorable que les autres. En comparant les noms inhabituels aux noms courants, les chercheurs ont constaté que ces derniers suscitaient davantage de sympathie et que les personnes qui les portent avaient plus de chances d’être embauchées. Les noms à consonance russe ou afro-américaine se situaient au milieu de l’échelle utilisée. 

Les femmes et les personnes de couleur sont sous-représentées dans les milieux des sciences, de la recherche, de la haute direction et des bourses de recherche. Malheureusement, il existe peu d’études sur l’incidence des préjugés raciaux lors de l’attribution des bourses de recherche et des récompenses universitaires. Une étude réalisée en 2011 sur les boursiers de l’American Geophysical Union (AGU) révèle que même si les femmes représentaient de 15 à 20 pour cent des membres de l’AGU entre 1999 et 2010, seules 12 pour cent d’entre elles étaient boursières. À titre de comparaison, ce taux atteignait 22 pour cent dans les milieux des services et de l’éducation. Une étude distincte publiée en 2018 révèle que même si les chercheurs noirs publient le même nombre d’articles que leurs confrères blancs pendant leur formation doctorale et postdoctorale, leurs articles sont moins souvent cités. L’étude constate également une lacune sur le plan du financement des travaux de chercheurs asiatiques nés à l’étranger, ce qui pourrait indiquer un préjugé contre les personnes formées dans d’autres pays. Bien que la situation se soit améliorée au cours des dernières années, un écart prononcé subsiste dans l’attribution de certaines bourses très prestigieuses. 

Par exemple, la prestigieuse bourse A.B. Baker Award for Lifetime Achievement in Neurologic Education se démarque par le manque de femmes parmi ses lauréats. En neurologie, cette bourse est particulièrement importante, car elle comprend une allocution devant les membres de l’American Academy of Neurology. Ses lauréats sont considérés comme des chefs de file de leur domaine et des exemples à suivre pour les futurs neurologues. La sous-représentation des femmes semble généralisée parmi les lauréats des programmes de bourses qui offrent la possibilité aux boursiers de prendre la parole et d’exposer leurs vues sur l’avenir de leur domaine de spécialisation. Dans ce cas précis, cela signifie que les femmes médecins qui sont un exemple pour les générations à venir en raison de leur leadership ne jouissent pas d’une grande visibilité. 

Ces lacunes ne sont pas dues à une discrimination délibérée, mais plutôt au besoin de l’être humain de rester dans les limites de ce qui est attendu. Ce besoin touche d’autres domaines que les sciences et la recherche. Que nous nous en rendions compte ou pas, les préjugés implicites influent aussi sur les candidats que nous choisissons pour recevoir une bourse.  

Que faire pour limiter l’influence des préjugés implicites au sein des comités de sélection? 

  • Accroître la diversité des membres. En incluant des membres d’origines ethniques, de religions, d’identités de genre et d’âges variés, vous pouvez favoriser l’impartialité dans l’évaluation des candidats issus de groupes sous-représentés. Toutefois, il est important d’informer les membres sur les préjugés et la diversité. 
  • Comprendre l’historique de votre programme de bourses sous l’angle des préjugés ou de la discrimination. Comprendre le passé aide à prendre des décisions éclairées. Pour votre programme de bourses, cela peut vous aider à déceler les cas où des préjugés inconscients ont faussé le choix des candidats ou des lauréats. Le cas échéant, il est important de déterminer les raisons de ces préjugés et les éléments de votre programme qui le rende vulnérable aux préjugés. Les raisons peuvent varier de l’exclusion involontaire d’un groupe jusqu’au recours à des jugements objectifs au lieu d’évaluations structurées et quantitatives. 
  • Encourager les candidatures issues de groupes désavantagés par des préjugés implicites. Les membres de minorités sont évalués de façon plus impartiale lorsqu’ils représentent au moins 30 pour cent du bassin de candidats. Encourager les candidatures de membres issus de groupes sous-représentés est la première étape vers une évaluation juste de tous les candidats admissibles. 
  • Fournir des listes de vérification ou des formulaires structurés avec des critères d’évaluation. Lorsque l’évaluation est vague et principalement fondée sur des lettres de recommandation, les préjugés implicites deviennent un facteur important et viennent remplacer l’information manquante. Des études ont démontré que la mise en place d’un système d’évaluation structuré avec des critères précis réduit l’influence des préjugés implicites.  
  • Discuter des préjugés implicites et de leurs conséquences avec les membres du comité avant l’évaluation des candidats. Si vous abordez la question des préjugés implicites et de leurs conséquences avant le début de l’évaluation, les membres du comité de sélection l’auront à l’esprit pendant l’examen des candidatures. Ils seront mieux en mesure de reconnaître leurs propres préjugés et de rendre des décisions impartiales. Apprenez comment déjouer vos préjugés implicites (en anglais seulement). 
  • Donner aux membres tout le temps nécessaire pour évaluer les candidatures et rendre leurs décisions. Les contraintes de temps sont un autre facteur favorisant les préjugés implicites dans la prise de décisions. S’ils ont tout le temps nécessaire pour examiner attentivement les candidatures, les membres du comité de sélection seront plus enclins à tenir compte des réalisations des candidats qu’à privilégier leurs impressions. 
  • Supprimer les renseignements qui indiquent ou qui permettent de déduire l’âge, l’origine ethnique, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle des candidats. Cette mesure n’est pas nécessaire, mais elle permet une évaluation impartiale fondée uniquement sur la qualité de la candidature. Toutefois, elle ne doit pas remplacer la formation appropriée des membres du comité. 
  • Éviter les conflits d’intérêts. Partenaires en bourses d’études Canada demande aux évaluateurs de déclarer les éventuels liens personnels, universitaires ou parascolaires qu’ils ont avec un candidat. Lorsque ces liens sont confirmés, le candidat est associé à un autre évaluateur qui n’est pas en situation de conflit d’intérêts afin d’assurer l’impartialité de l’évaluation. 

Apprendre à reconnaître et à dissiper vos préjugés implicites est un processus continu, et les ressources pour vous aider sont nombreuses. Voici un bon point de départ : Huit tactiques pour déceler et dissiper vos préjugés implicites (en anglais seulement). 

Sources 

Bilimoria, D., et L. Lord. Women in Stem careers: international perspectives on increasing workforce participation, advancement and leadership, Cheltenham: Edward Elgar, 2014. 

Cotton, J. L., B. S. O’neill, et A. Griffin. « The “name game”: Affective and hiring reactions to first names », Journal of Managerial Psychology

Ginther, D. K., J. Basner, U. Jensen, J. Schnell, R. Kington, et W. T. Schaffer. « Publications as predictors of racial and ethnic differences in NIH research awards », PLOS ONE, vol. 13, no 11, e0205929. 

Holmes, M. A., P. Asher, J. Farrington, R. Fine, M. S. Leinen, et P. Leboy. « Does gender bias influence awards given by societies? », Eos, Transactions American Geophysical Union, vol. 92, no 47, 2011, p. 421-422. No DOI : 10.1029/2011eo470002. 

Leske, L. A. « How Search Committees Can See Bias in Themselves », 30 novembre 2016. Accessible au https://www.chronicle.com/article/How-Search-Committees-Can-See/238532 

Metcalf, H. « Improving Recognition Through Awards: How to Mitigate Bias in Awards », 8 mars 2017. Accessible au https://www.awis.org/improving-recognition-through-awards-how-to-mitigate-bias-in-awards/ 

Purkiss, S. L. S., P. L. Perrewé, T. L. Gillespie, B. T. Mayes, et G. R. Ferris. « Implicit sources of bias in employment interview judgments and decisions », Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. 101, no 2, 2006, p. 152-167. 

Silver, J. K., A. M. Bank, C. S. Slocum, C. A. Blauwet, S. Bhatnagar, J. A. Poorman, et R. D. Zafonte. « Women physicians underrepresented in American Academy of Neurology recognition awards », Neurology, vol. 91, no 7, 2018. No DOI : 10.1212/wnl.0000000000006004. 

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