Reconnaissance internationale de l’excellence canadienne 2021
Lauréats canadiens de 2021 de prestigieux prix internationaux en recherche
Le Canada a connu une année exceptionnelle en matière de recherche en 2021 puisqu’un nombre record de Canadiens, 25 en tout, ont remporté 26 prestigieux prix internationaux. Il s’agit de la preuve que les scientifiques, mathématiciens, artistes, anthropologues et universitaires canadiens se penchent sur certains des problèmes mondiaux les plus importants et les plus urgents.
Les individus présentés dans cette publication marquent l’histoire par leurs contributions aux vaccins à ARNm contre la COVID-19, au progrès de l’intelligence artificielle, à l’étude des droits de la personne ou encore à la lutte contre les changements climatiques. Leur dévouement, leur talent et leur succès sont une source de fierté et d’inspiration.
En apprendre plus sur les gagnants
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Ashkan Behzadi
Bourse de recherche Guggenheim
MusiqueAshkan Behzadi
Un compositeur approfondira sa musique grâce à une bourse Guggenheim
Bourse de recherche Guggenheim
MusiqueLe compositeur Ashkan Behzadi affirme que ses études de premier cycle à l’Université McGill ont été « intenses » et qu’elles l’ont aidé à façonner sa compréhension de la composition musicale. Après une enfance passée en Iran, il a pu compter sur l’appui de l’établissement, qui l’a aidé à se bâtir une carrière fructueuse en composition de musique de concert.
Actuellement chargé de cours à l’Université Columbia, M. Behzadi est le lauréat de 2021 d’une bourse Guggenheim en composition musicale. Celle-ci lui permettra notamment de se concentrer sur une composition inspirée d’une collection de poèmes de Federico García Lorca, qui comprendra également des éléments théâtraux. Au terme de ce projet, il entend proposer une pièce d’une durée de quatre heures qui combinera musique, danse, animation et peinture.
« J’ai appris la composition et son processus, soit concevoir une œuvre à partir de rien, en étudiant avec Chris Paul Harman à l’Université McGill, dit-il. Philippe Leroux, un professeur à l’Université de Montréal à l’époque, aujourd’hui à l’Université McGill, est un autre compositeur qui a joué un rôle déterminant dans mon cheminement. »
M. Behzadi compose de la musique électronique et acoustique. Grâce à sa bourse Guggenheim, il souhaite faire évoluer son cycle « Love, Crystal and Stone», basé sur une série de poèmes de Lorca, en une expérience de théâtre abstrait « qui s’apparente à un carnaval, avec de la danse, du théâtre, etc. ». Plus précisément, la bourse soutiendra l’élaboration de la deuxième partie de ce cycle, soit environ 75 minutes de musique.
Le compositeur canado-iranien prévoit de collaborer avec l’artiste visuel iranien Mehrdad Jafari en ce qui concerne les éléments théâtraux.
M. Behzadi a été très heureux d’apprendre qu’il recevait une bourse Guggenheim, d’autant plus que cette nouvelle encourageante est arrivée à point nommé durant une période particulièrement sombre de la crise sanitaire. « Nous étions en pleine pandémie et cette interruption me plongeait dans le doute. Je me souviens que j’enseignais en ligne, en quarantaine à Toronto. Je me sentais enfermé dans une boîte. J’ai reçu cette nouvelle comme un signe d’encouragement et de confiance », confie-t-il.
« Je peux maintenant envisager de créer cette composition grâce au soutien offert. »
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Alexandre Blais
Bourse de recherche Guggenheim
PhysiqueAlexandre Blais
Une bourse Guggenheim aidera un physicien à faire avancer l’informatique quantique
Bourse de recherche Guggenheim
PhysiqueEn tant que lauréat de 2021 d’une bourse Guggenheim, Alexandre Blais, professeur de physique à l’Université de Sherbrooke, pourra consacrer une bonne partie de son temps à ses travaux de recherche en informatique quantique. M. Blais, également directeur scientifique de l’Institut quantique, est un physicien théoricien dont les travaux sont axés sur les circuits quantiques supraconducteurs pour le traitement de l’information quantique et l’optique quantique aux fréquences micro-ondes. Il contribue à l’essor du domaine de l’électrodynamique quantique des circuits (circuit QED), une architecture d’informatique quantique de pointe.
M. Blais soutient que les travaux de recherche en physique quantique présentent un grand potentiel pour répondre aux crises mondiales, telles que la lutte contre les changements climatiques.
« Nous aurons besoin d’un ordinateur quantique qui nous aidera à résoudre des problèmes de taille, dit-il. Par exemple, la fixation de l’azote est un phénomène naturel, dans le cadre duquel les plantes extraient l’azote à température ambiante. Lorsque ce procédé est employé pour produire des engrais, il faut utiliser une pression et une température extrêmes qui consomment deux pour cent de l’énergie mondiale. »
« Si nous pouvions réduire ce pourcentage, ce serait un changement majeur. Mais pour le moment, nous n’avons aucune idée de la manière d’y parvenir… Un ordinateur quantique nous aiderait à faire ces calculs. »
M. Blais est membre du programme d’informatique quantique de l’Institut canadien de recherches avancées (CIFAR), du Collège de la Société royale du Canada et de la Société américaine de physique.
Bien qu’il ait remporté de nombreux prix de physique dans le passé, il mentionne que l’éventail des travaux reconnus par la bourse Guggenheim rend cette récompense unique. « Cette bourse reconnaît les différentes branches de l’activité humaine, allant de l’art à la philosophie. »
La bourse Guggenheim permettra à M. Blais de se consacrer davantage à ses travaux de recherche l’an prochain, durant « une période excitante et riche en possibilités. »
« Les retombées de ces travaux de recherche sont encore inconnues, poursuit-il. C’est ce qui rend l’aventure si exceptionnelle. »
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Ian Burton
Le prix Frontiers of Knowledge de la la Fondation BBVA
GéographieIan Burton
Un géographe prend l’initiative de revendiquer l’adaptation aux changements climatiques sur la scène mondiale
Le prix Frontiers of Knowledge de la la Fondation BBVA
GéographiePour la première fois depuis sa création, le prix Frontiers of Knowledge pour la lutte contre les changements climatiques, offert par la Fondation BBVA, a été décerné à des chercheurs en sciences sociales, dont Ian Burton, professeur émérite à la University of Toronto et géographe étudiant l’adaptation aux changements climatiques.
Jusqu’à maintenant, ce prix a souligné des contributions à la lutte contre les changements climatiques dans les domaines de la modélisation, de la physique et de l’économie. Cette année, le prix a été décerné à trois chercheurs en sciences sociales qui se penchent sur « la manière dont les conditions sociales et la culture influencent la vulnérabilité des populations aux changements climatiques et leur capacité d’adaptation ».
Lutter contre les changements climatiques, c’est prendre des mesures concrètes pour les atténuer, mais également pour s’y adapter. Or, si le premier de ces deux aspects est au cœur des priorités gouvernementales depuis des décennies, le deuxième a été largement ignoré. M. Burton s’intéresse à l’adaptation depuis ses études de doctorat et a été parmi les premières personnes à insister pour que ce nouveau domaine de recherche soit abordé lors de conférences internationales et canadiennes sur les changements climatiques.
Alors que le bilan des pertes causées par des inondations, des feux de forêt, des tempêtes de vent et de la chaleur s’alourdit, la priorité doit être accordée aux mesures d’adaptation afin de protéger les populations et leurs biens, tout en poursuivant les efforts pour atténuer ces phénomènes.
« En ce qui concerne l’adaptation, on observe une grande disparité d’un endroit à l’autre et d’un type de problématique à l’autre, rapporte M. Burton. Nous disposons d’indicateurs globaux pour mesurer l’atténuation, mais pas l’adaptation, sauf peut-être les pertes entraînées par les dangers atmosphériques, qui étaient à la hausse bien avant que les changements climatiques ne soient une priorité. »
Selon lui, ces pertes augmentent en partie parce que l’humain ne s’est pas adapté et que les mesures d’adaptation ne sont pas adéquates. Un exemple : nous continuons de nous exposer au risque, notamment en construisant dans des endroits comme des plaines inondables et des côtes en érosion. Dans bien des régions du monde, les populations pauvres sont poussées vers des zones dangereuses, rappelle M. Burton. Elles deviennent encore plus exposées au risque et donc plus vulnérables.
« On devrait se pencher sur nos actions et les pertes qui en résultent, plutôt que de parler d’atténuation du risque, explique-t-il. Les tendances de développement actuelles creusent les inégalités. Nous devons cesser de mettre les gens en danger et réduire leur vulnérabilité en analysant les risques auxquels ils sont exposés. Par exemple, des aînés traversent les vagues de chaleur dans des logements sans climatisation et mal aérés. »
On ne peut pas vraiment parler de « catastrophes naturelles », conclut-il, en rappelant que les phénomènes extrêmes et les ravages qui en découlent sont le résultat de l’activité humaine et du libre choix. Ils sont de plus en plus intenses et fréquents en raison des choix, des décisions et des pratiques des humains, ainsi que des changements climatiques d’origine humaine.
Dans le cadre de ses travaux de recherche, M. Burton explore l’adaptation collective. « Je me penche sur des approches qui nécessitent une coopération à grande échelle, précise-t-il. Il faut prendre des mesures progressives, au cas par cas, mais peut-être que des problèmes systémiques sont aussi en jeu lorsqu’il est question d’adaptation. C’est épineux. Il faut se pencher sur ce qui engendre le risque de catastrophes naturelles. »
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Kamari Clarke
Bourse de recherche Guggenheim
AnthropologieKamari Clarke
Une anthropologue et juriste repousse les frontières pour favoriser le changement social
Bourse de recherche Guggenheim
AnthropologieDepuis plus de vingt ans, la juriste et anthropologue politique Kamari Maxine Clarke concentre ses travaux de recherche sur les enjeux liés aux institutions judiciaires, aux droits de la personne et au droit international, au nationalisme religieux ainsi qu’aux politiques raciales dans un contexte de mondialisation. L’éminente professeure de la University of Toronto figure parmi les lauréats de 2021 des bourses Guggenheim, un accomplissement dont elle est particulièrement fière.
« C’est un prix que je ne prends pas à la légère, puisque les bourses Guggenheim sont très convoitées et que le processus est hautement compétitif, mais également parce que très peu de ces récompenses ont été remises à des femmes noires, indique-t-elle. La bourse me permettra de repousser les frontières en me consacrant à des activités de recherche en lien avec la pensée sociale populaire et les mobilisations intellectuelles. »
Mme Clarke se penche sur diverses questions théoriques liées à la culture et au pouvoir ainsi que la relation entre les nouvelles formations sociales et les problèmes contemporains. Dans le cadre de ses nombreuses contributions universitaires, elle a notamment démontré d’un point de vue ethnographique les façons dont les régimes axés sur des connaissances juridiques, scientifiques et religieuses génèrent des pratiques qui se propagent ailleurs dans le monde.
Mme Clarke est l’auteure de trois livres et a co-édité six ouvrages. Elle termine actuellement la rédaction d’un livre sur la manière dont les mouvements sociaux de pays du Sud, notamment le Nigeria et le Mexique, se servent de technologies modernes, comme les technologies géospatiales, l’intelligence artificielle, la téléphonie mobile et le GPS, pour contester les méthodes traditionnelles pour accéder à la justice et l’administrer.
Ses recherches révèlent que ces technologies, bien qu’elles offrent une lueur d’espoir ces pays, engendrent des problématiques qui découlent des préjugés imbriqués à même leur fonctionnement logique. Mme Clarke soutient que des données hautement visibles concernant certains types de violences peuvent facilement être captées par ces technologies, alors que d’autres sont occultées. La chercheuse invite ses homologues à examiner la manière dont ce biais induit involontairement des dynamiques (néo)coloniales qui ont historiquement conféré davantage de pouvoir aux personnes blanches qu’aux personnes racisées, à la science nord-occidentale plutôt qu’aux systèmes de connaissances et, dans le contexte de violences perpétrées dans les pays du Sud, aux communautés propriétaires et sédentaires plutôt qu’aux peuples nomades.
« Je travaille sur un projet d’alerte et de réponses rapides dans des contextes de violences et je m’appuie sur des stratégies populaires basées sur des solutions politiques. La bourse Guggenheim me permet de positionner ma recherche et mes écrits en tant que vecteurs de changement social. »
En plus de mener ces travaux de recherche, Mme Clarke a été conseillère technique au Bureau du Conseiller juridique de l’Union africaine (UA) et a rédigé des rapports qui ont aidé l’UA à interpréter des lois internationales et à relever des défis relatifs aux Nations Unies. Elle agit également à titre de consultante auprès d’Affaires mondiales Canada et du Bureau du département d’État américain responsable des affaires relatives aux conflits et aux opérations de stabilisation.
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Pieter Cullis
Le prix Prince-Mahidol et Le Grand Prix VinFuture
MédecinePieter Cullis
La création des vaccins à ARNm, un concours de circonstances
Le prix Prince-Mahidol et Le Grand Prix VinFuture
MédecinePieter Cullis, physicien et biochimiste, se plaît à dire que ça lui aura pris quarante ans pour devenir, du jour au lendemain, un scientifique reconnu. Au cours de ces quatre décennies, M. Cullis et ses collègues de laboratoire à la University of British Columbia, à Inex Pharmaceuticals et à Acuitas Therapeutics, deux entreprises qu’il a cofondées, ont conçu le mécanisme de livraison à l’origine des vaccins à ARN messager (ARNm).
Les travaux de M. Cullis portent principalement sur l’utilisation de nanoparticules lipidiques (NPL) comme moyen d’acheminer un médicament vers un endroit précis dans le corps, comme une tumeur cancéreuse. Ses travaux ont connu une percée au moment même où le milieu scientifique cherchait un système de transport pour l’ARNm afin de lutter contre la COVID-19.
M. Cullis, Katalin Karikó et Drew Weissman sont les lauréats de 2021 du prix Prince-Mahidol pour la médecine, d’une valeur de 100 000 $ US, pour leurs travaux menant à la création des vaccins contre la COVID-19. Mme Karikó est vice-présidente principale de la société pharmaceutique allemande BioNTech RNA. Le Dr Weissman est immunologue et directeur de la recherche sur les vaccins à l’Université de Pennsylvanie. En 2021, le trio avait déjà obtenu le tout premier Grand Prix VinFuture, d’une valeur de 3 M$ pour ces mêmes travaux.
« Katalin Karikó et Drew Weissman sont les chefs de file des vaccins à ARNm, exprime M. Cullis. Recevoir cet honneur au même titre qu’eux, c’est incroyable. »
Du début des années 1980 au milieu des années 1990, M. Cullis et son équipe se sont principalement intéressés à l’acheminement des médicaments anticancéreux. « Nous n’avons pas abandonné ces travaux, mais depuis le milieu des années 1990, nous travaillons en parallèle sur des médicaments à base d’acide nucléique, comme l’ARNm. »
Ces travaux portaient initialement sur l’élaboration d’un système de NPL pouvant transporter une forme d’ARN qui freinait la production d’une protéine pathogène dans le foie, ce qui a mené au développement de l’Onpattro, un médicament approuvé par le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques pour le traitement de l’amyloïdose héréditaire à transthyrétine. L’équipe d’Acuitas s’est ensuite tournée vers la conception de NPL contenant des ARNm codant des protéines hépatiques. En 2014, un appel de Drew Weissman est venu réorienter ces activités de recherche.
« Il a dit : “J’aimerais bien essayer votre système sous forme de vaccin”, se remémore M. Cullis. Il avait conçu des ARNm codant une protéine associée à un virus. Nous avons commencé par l’influenza, puis le virus Zika. Ensemble, nous avons encapsulé l’ARNm codant une protéine présente à la surface de ces virus dans des LNP, que nous avons injectés à des animaux. Nous avons ensuite observé si ces cobayes pouvaient contracter le virus ou non. Les résultats furent concluants. »
Peu à peu, l’équipe d’Acuitas a délaissé ses autres projets au profit des vaccins et entamé une collaboration avec BioNTech pour mettre au point un vaccin antigrippal.
« Lorsque la pandémie est survenue, nous avons tout mis de côté pour nous concentrer sur un vaccin contre la COVID-19. »
La nanoparticule lipidique de M. Cullis et d’Acuita est la clé du vaccin de Pfizer/BioNTech.
« En fait, sans mécanisme de livraison, le vaccin ne fonctionnerait pas. »
Les percées de M. Cullis sont arrivées à point nommé pour lutter contre la pandémie. En 2020, « cinq ans de travaux témoignaient déjà du bien-fondé de cette technique pour la création d’un vaccin », ajoute-t-il.
« Il ne fait aucun doute que la conjoncture était favorable pour que nous puissions travailler sur ce vaccin. »
Les travaux de M. Cullis sur les NPL sont prometteurs pour le traitement du cancer. « Le potentiel existe pour mettre au point des traitements contre le cancer faiblement toxiques et très personnalisés, mentionne-t-il. Ces approches peuvent prendre plusieurs formes. On pourrait par exemple demander au foie de créer un anticorps conçu sur mesure pour un cancer. »
« Les retombées pour la lutte contre le cancer seront énormes. »
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David R. Curtin
Bourse de recherche Sloan
PhysiqueDavid R. Curtin
Un physicien démystifie les lois physiques les plus fondamentales de l’univers
Bourse de recherche Sloan
Physique
L’univers recèle d’innombrables mystères, notamment sur les lois fondamentales qui s’appliquent à l’infiniment petit. David Curtin, physicien théoricien des particules, cherche des réponses dans ce domaine.
« La gravité, par exemple, est une loi fondamentale, tout comme l’électromagnétisme, dit-il. D’autres notions ne sont pas aussi évidentes, comme les forces nucléaires et la nature des différentes particules intranucléaires. Quelles sont les forces à la base de leur interaction? Quelle en est l’origine? Et pourquoi sont-elles ainsi? »
Également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique des particules théorique à la University of Toronto, M. Curtin a obtenu une bourse Sloan en 2021. Celle-ci souligne ses contributions importantes, entre autres à l’étude du comportement des champs quantiques durant le Big Bang, du boson de Higgs et de la matière noire, ainsi qu’à la construction de la prochaine génération de détecteurs et d’accélérateurs de particules à haute énergie.
M. Curtin cherche à répondre à ces questions complexes au moyen d’une expérience novatrice appelée MATHUSLA, qui vise à repérer des particules autrefois indétectables générées par le grand collisionneur de hadrons. M. Curtin est l’un des leaders de ce projet de collaboration internationale.
Il soutient qu’une approche multidisciplinaire est indispensable dans la recherche de nouvelles notions de physique.
« Parfois, je vais cogner à la porte de mes collègues astronomes en espérant que l’un d’entre eux m’expliquera quelque chose à propos des étoiles, exprime-t-il. Il faut s’intéresser à d’autres domaines, car la portée de nouvelles lois en physique des particules est insoupçonnable. »
M. Curtin entrevoit qu’il y aura dans les dix prochaines années « des observations cosmologiques et astrophysiques qui approfondiront grandement nos connaissances sur la matière noire et le rayonnement cosmologique – associé au Big Bang –, et qui pourraient donner lieu aux premières mesures irréfutables de notions physiques ».
Ses travaux actuels sont rattachés à la cosmologie de précision, que M. Curtin décrit comme « un domaine fascinant qui produira beaucoup de données inédites, et dont le rapport avec la physique des particules pourrait révéler de l’information fondamentale. Ce rapport avec l’astrophysique cosmologique m’intéresse au plus haut point et je m’efforce d’en tirer profit. »
Pour ce qui est de la bourse Sloan, M. Curtin affirme : « C’était une nouvelle extraordinaire. C’est une bourse qui est rarement décernée à un physicien théoricien des particules. Je suis très honoré. »
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Daniel Drucker
Prix international Canada Gairdner
MédecineDaniel Drucker
Donner au suivant : un lauréat d’un prix Gairdner en fait don en créant un prix pour l’innovation
Prix international Canada Gairdner
MédecineLe Dr Daniel Drucker continue d’être reconnu à l’échelle mondiale pour ses découvertes révolutionnaires sur les peptides semblables au glucagon, qui ont mené à des avancées majeures dans le traitement du diabète de type 2, de l’obésité et des troubles intestinaux. Cette année, le Dr Drucker, chercheur principal à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum de Sinai Health et professeur à la Faculté de médecine Temerty de la University of Toronto, a obtenu le Prix international Canada Gairdner, l’un des plus prestigieux prix internationaux en biosciences.
Le Dr Drucker partage le prix avec le Dr Joel Francis Habener, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Harvard, et le Dr Jens Juul Holst, professeur de sciences biomédicales à l’Université de Copenhague. En 2020, ces trois collègues ont partagé le Prix de la Fondation Warren Alpert.
Le Dr Drucker fait don du prix Gairdner, d’une valeur de 100 000 $ CA, afin de créer le programme The Drucker Family Sinai Health Discovery Awards. Il dit espérer que ce nouveau programme motivera ses collègues de Sinai Health à continuer à innover au sein de l’hôpital et de l’écosystème de recherche.
Les prix remis dans le cadre du programme souligneront l’excellence en matière d’innovation dans deux catégories, soit pour les candidats en formation et pour les candidats en milieu hospitalier.
L’endocrinologue soutient que sa propre expérience souligne l’importance de la recherche fondamentale. C’était « impossible d’imaginer, il y a 30 ans », sur quoi ces travaux allaient déboucher, dit-il. En plus de mener à de nouveaux traitements éprouvés pour le diabète, l’obésité et les troubles intestinaux qui réduisent les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et le taux de mortalité, ses travaux de recherche ont abouti à de nouveaux traitements pour les maladies du foie et de l’Alzheimer qui sont maintenant à leur troisième phase d’essai.
La dernière approbation, soit pour un nouveau traitement contre l’obésité, est arrivée au printemps 2021. « Les résultats du traitement montrent une perte de poids d’environ 15 %, et environ 40 % des patients ont perdu 20 % de leur poids. »
« C’est incroyable, poursuit-il. Nous n’avons jamais vu de tels résultats. »
Le prix Gairdner est spécial, affirme le Dr Drucker, parce qu’il s’agit d’un prix international établi au Canada. « C’est gratifiant d’être reconnu chez soi. »
Comme 2021 a marqué le 100e anniversaire de l’insuline, le Dr Drucker rappelle que la population canadienne peut être fière de la contribution des scientifiques du pays aux avancées dans le domaine de la santé à l’échelle mondiale. Puisque ces découvertes et innovations découlent directement de la science fondamentale, elles doivent être une priorité en matière d’investissements gouvernementaux, selon lui.
« Le gouvernement doit s’améliorer en matière d’investissements dans la science fondamentale, affirme-t-il. En tant que pays du G7, nous investissons trop peu dans la science, et nous devrions repenser nos priorités, que ce soit dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, de la préparation à la prochaine pandémie ou du traitement de l’obésité et du diabète. L’investissement dans la science est une approche gagnante pour le Canada. »
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Lenore Fahrig
Bourse de recherche Guggenheim
BiologieLenore Fahrig
Ce n’est pas la taille qui compte : une chercheuse remet en question les règles de la protection du territoire
Bourse de recherche Guggenheim
BiologieOn ne penserait pas que des mécanismes de protection du territoire sèmeraient la controverse, mais le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît. C’est l’objet d’étude de Lenore Fahrig, biologiste à la Carleton University et lauréate de 2021 d’une bourse Guggenheim.
« Disons qu’on veut protéger 100 hectares de milieu forestier. Est-ce préférable de délimiter une grande zone de 100 hectares ou de définir dix petites zones qui totalisent la même superficie? Dans les années 1970, on pensait qu’il valait mieux protéger la grande zone. »
« Mais on a mené des tests et réalisé qu’on trouvait davantage d’espèces dans dix petites zones que dans une seule grande zone », explique Mme Fahrig.
L’étude de cette question fait partie de ses travaux de recherche sur les effets de la structure du paysage sur l’abondance, la répartition et la persistance des espèces. Étant donné que les activités humaines comme l’industrie forestière, l’agriculture et le développement industriel transforment fortement le paysage, les résultats de ses travaux seront pertinents pour circonscrire les aires à protéger.
La bourse Guggenheim permettra à Mme Fahrig d’analyser les conséquences de la fragmentation des habitats sur plusieurs espèces. Cette étude s’inscrit dans les travaux de longue haleine qu’elle mène sur le sujet.
Elle s’intéresse entre autres aux politiques gouvernementales sur la protection des territoires naturels. « L’idée qui est généralement véhiculée, c’est que c’est la taille qui compte. C’est problématique, parce que si on tient pour acquis que la faune et la flore des petits habitats ont peu d’importance, des milliers de petites aires pourraient ne pas être protégées, malgré leur grande biodiversité. Si elles sont détruites, les effets sont dévastateurs. »
« Notre intuition nous amène à penser que les espèces plus grandes ou en danger seront mieux protégées par une grande zone, comme les espèces du milieu forestier, par exemple. Ça semble logique parce qu’avec dix petits carrés d’aire protégée, il y a plus de zones en périmètre et une moins grande superficie interne dont ont besoin ces espèces. Certains pensent donc qu’il y aurait plus d’espèces dans une seule grande zone que dans plusieurs petites zones, mais qu’en est-il vraiment? »
« On a tendance à extrapoler à partir d’observations faites à petite échelle. Les gens se basent sur un modèle qui compare le nombre d’espèces au périmètre de la forêt à celui de la superficie interne, puis appliquent cette même logique à l’échelle d’une région entière. Pourtant, il y a plusieurs autres facteurs qui entrent en jeu et qui peuvent démentir cette prédiction. Et tout ça n’a pas été testé. »
Certaines politiques gouvernementales ne protègent que de grands territoires.
« Le problème, c’est que dans les régions du monde à majorité humaine, nous avons déjà perdu environ 80 % ou plus des habitats naturels, et ceux qui restent sont très petits. Donc ne pas protéger les petites superficies soutient qu’elles n’en valent pas la peine, alors que c’est tout l’inverse et qu’elles contribuent beaucoup à la biodiversité. »
La chercheuse affirme que ces travaux sont importants étant donné la crise mondiale de la biodiversité. « On peut difficilement savoir combien d’espèces ont disparu à cause des activités humaines. »
Elle espère que ses travaux de recherche sauront trouver des pistes de solution à la crise.
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Roger Grosse
Bourse de recherche Sloan
InformatiqueRoger Grosse
La quête d’un informaticien pour comprendre les réseaux de neurones
Bourse de recherche Sloan
InformatiqueRoger Grosse, professeur adjoint en informatique à la University of Toronto, a obtenu une bourse de recherche Sloan pour ses travaux prometteurs en intelligence artificielle (IA) portant sur l’apprentissage automatique, et plus particulièrement sur les réseaux de neurones artificiels.
« L’apprentissage automatique consiste à enseigner aux ordinateurs comment apprendre à partir de données et d’expériences, explique-t-il. La technologie utilisée par l’IA est à la base de nombreux systèmes comme la vision informatique et la médecine computationnelle, ou encore la compréhension du langage par ordinateur. La grande révolution des dernières années, d’ailleurs initiée à la University of Toronto, est le recours aux réseaux de neurones artificiels. »
Titulaire d’une chaire de recherche du Canada en inférence probabiliste et apprentissage approfondi, M. Grosse explique que par le passé, les développeurs programmaient eux-mêmes les paramètres devant servir à régler un problème, par exemple la pertinence de divers types de données, mais que « maintenant, les réseaux de neurones le font automatiquement ».
« Il fut un temps où nous utilisions des algorithmes bien compris. Nous étions en mesure de les analyser en amont pour anticiper les résultats. De nos jours, il est difficile de comprendre pourquoi les réseaux de neurones prennent certaines décisions. Je cherche donc à comprendre leur fonctionnement et à utiliser ces connaissances pour améliorer les algorithmes. »
Les travaux de M. Grosse consistent principalement à étudier le raisonnement des algorithmes d’apprentissage automatique.
« Autrefois, nous concevions un algorithme en deux temps : nous écrivions d’abord ce que nous cherchions à optimiser, puis nous codions un algorithme pour trouver la solution optimale. Aujourd’hui, il faut tenir compte du chemin qu’emprunte l’algorithme pour parvenir à sa solution. Une fois que nous le comprenons, il devient possible de créer des réseaux neuronaux d’une rapidité et d’une fiabilité accrues. »
Il existe aussi une dimension éthique à la compréhension de ces réseaux.
« Au fur et à mesure que l’intelligence artificielle gagne en puissance, il devient encore plus important de savoir comment vérifier si elle fait plus de bien que de mal. Supposons que l’on code une fonction objective et que l’on demande à l’algorithme de l’optimiser. Il se peut que ce faisant, il se retrouve à renforcer un paramètre préjudiciable, par exemple en excluant les données propres à un groupe démographique ou en causant un clivage politique. Si l’on veut être en mesure de détecter et de régler ces lacunes, nous devons mieux comprendre les réseaux de neurones. »
M. Grosse affirme que recevoir une bourse de recherche Sloan lui a donné un élan de confiance. « Ce financement m’aidera à agrandir mon équipe et à acquérir la puissance de calcul dont nous avons besoin pour poursuivre nos recherches sur l’apprentissage profond. »
« Dans le domaine de l’IA, il est rare que le financement ne soit pas rattaché au développement d’applications précises. C’est rafraîchissant de pouvoir mettre des fonds au service de sa curiosité. C’est important de creuser les questions fondamentales, et je crois que la bourse de recherche Sloan est tout indiquée pour ça. »
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Tovi Grossman
Bourse de recherche Sloan
InformatiqueTovi Grossman
Un chercheur aide la population à réinventer sa manière d’utiliser l’intelligence artificielle
Bourse de recherche Sloan
InformatiqueTovi Grossman et son équipe de la University of Toronto étudient l’interaction humain-machine (IHM), soit tout ce qui touche à l’utilisation des technologies par l’être humain.
« Le domaine était autrefois centré sur l’interaction avec les ordinateurs de bureau – c’était ça, l’IHM, raconte le chercheur en informatique. Il a toutefois évolué pour englober l’ensemble des interactions humaines avec les technologies, y compris celles à venir, et leurs effets sur la société. »
Le point de vue de M. Grossman est assez courant : les interfaces technologiques ne sont pas toujours bien conçues et manquent souvent de convivialité. Les études contemporaines sur l’IHM s’attardent à la conception des interfaces pour simplifier leur utilisation et améliorer leur efficacité et souplesse.
M. Grossman, lauréat d’une bourse Sloan, s’intéresse tout particulièrement à l’interface de nouvelles technologies. « Au début des années 2000, mes études doctorales portaient sur les interactions avec les écrans multipoints, les interactions à main levée et les points de contact des écrans. À l’époque, la technologie était embryonnaire, c’était nouveau. Aujourd’hui, elle est partout. »
« Ce qu’on étudie maintenant, ce sont les innovations qui sont sur le point d’être déployées, et leurs conséquences sur la façon dont l’humain utilise la technologie. »
Plus spécifiquement, M. Grossman et son équipe veulent aider la population à améliorer leur utilisation d’outils technologiques.
« Au fil de notre travail, on s’est rendu compte que l’automatisation était de plus en plus répandue. Prenons le domaine de l’architecture, par exemple. Une partie du travail de conception va un jour être automatisée grâce à l’intelligence artificielle (IA). Les ordinateurs vont accomplir des tâches qui relevaient autrefois de l’humain, explique-t-il. L’IA va vraiment bouleverser les milieux professionnels. Je ne crois pas que cela supprimera des emplois, mais que leur nature va changer. Il faudra adapter nos façons de faire. »
« Ça nécessitera aussi de trouver le bon équilibre entre le travail accompli par l’humain et par la machine, ajoute-t-il. On ne veut pas demander à l’IA de tout faire pour nous, ce qui ne serait probablement pas possible de toute façon. Mais si on doit apprendre à travailler différemment, comment peut-on accompagner les utilisateurs dans la transition? L’une des clés est l’apprentissage en temps réel. Est-ce qu’on peut bâtir des interfaces tellement intuitives qu’on est presque pris par la main? »
La bourse Sloan permettra à M. Grossman d’accueillir de nouveaux assistants de recherche dans son laboratoire, qui compte actuellement sept étudiants au doctorat, trois à la maîtrise et deux postdoctorants.
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Maria Ioannou
Bourse de recherche Sloan
NeurosciencesMaria Ioannou
Une neuroscientifique perce le secret des lipides dans la lutte contre les maladies neurodégénératives
Bourse de recherche Sloan
NeurosciencesMaria Ioannou, neuroscientifique et professeure adjointe au Département de physiologie de la University of Alberta, a reçu une bourse Sloan pour ses travaux de recherche novateurs en biologie des lipides. Elle se concentre notamment sur la fonction cellulaire des lipides, un groupe de molécules biologiques comprenant les graisses, les huiles et les cires, et leur rôle au sein du système nerveux central.
« Nous étudions leur influence sur la santé cellulaire en contexte de pathologie, explique-t-elle. Nous avons commencé par étudier les accidents vasculaires cérébraux et maintenant nous nous penchons sur la maladie d’Alzheimer. Je pense que nos travaux vont être pertinents pour une foule de maladies neurodégénératives. »
L’équipe de recherche de Mme Ioannou étudie les mécanismes du transport et du métabolisme des lipides dans le cerveau en combinant la biochimie et la microscopie quantitative.
« Quand les neurones sont soumis à un stress élevé, ils semblent générer beaucoup de lipides excédentaires, ce qui peut leur être très toxique. Comme ils n’ont pas la capacité de gérer la situation eux-mêmes, ils déchargent les lipides sur un autre type de cellule, explique Mme Ioannou. Nous allons nous concentrer sur les mécanismes de ce transfert afin de déterminer s’ils peuvent être modifiés au moyen de médicaments ou d’un changement à une voie de signalisation précise. Si nous réussissons à prévenir une partie de la mort cellulaire, par exemple, nous pourrions peut-être essayer de transposer la démarche aux modèles animaux de maladies. »
Mme Ioannou est directement inspirée par la biologie cellulaire et ses éléments inconnus. « Je pense qu’il faut continuer de souligner l’importance de notre travail. Selon moi, cette stratégie permet d’appliquer mes travaux à un large éventail de maladies. »
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Joan Judge
Bourse de recherch Guggenheim
Études Est AsiatiquesJoan Judge
Une bourse Guggenheim appuie la recherche sur le savoir populaire dans la Chine du XXe siècle
Bourse de recherch Guggenheim
Études Est AsiatiquesLorsqu’elle a reçu une bourse Guggenheim, la seule décernée pour les études est-asiatiques en 2021, Joan Judge a su qu’elle n’avait pas travaillé en vain. La professeure de l’Université York, spécialiste de l’imprimé et du savoir modernes, explique que son projet de recherche colossal sur l’histoire de l’imprimé populaire chinois au début du XXe siècle, intitulé « China’s Mundane Revolution: Cheap Print, Vernacular Knowledge, and Common Reading in the Long Republic, 1894-1955 », était loin de faire l’unanimité.
Dans son milieu, on lui disait de ne pas perdre son temps sur « ces vieux torchons », se rappelle Mme Judge, qui est également membre de la Société royale du Canada et qui étudie les textes populaires ayant façonné le quotidien de la société chinoise du XXe siècle.
« La bourse Guggenheim vient tendre la main à un domaine du savoir laissé pour compte, raconte-t-elle. C’est un énorme appui pour ceux qui s’intéressent au sujet et ça le valorise auprès des jeunes chercheurs. »
« C’est un travail d’une complexité inouïe », ajoute-t-elle en décrivant la tâche comme un « travail d’archéologie qui vise à creuser sous la trame historique qu’on connaît déjà », comme les révolutions chinoises du XXe siècle. Ses sources sont constituées de textes commerciaux imprimés à moindre coût, qui n’ont généralement pas abouti dans les grandes collections de bibliothèques. Mettre la main sur ces imprimés était un réel défi, mais elle possède maintenant une base de données qui en recense environ 500.
Mme Judge a continué ses activités de recherche malgré les critiques : « Parfois, il faut se faire confiance. Au fur à mesure que je découvrais de nouveaux textes, je plongeais dans leurs multiples couches de sens, et je pouvais faire des parallèles entre le banal et le mémorable, entre un mode de raisonnement pragmatique et ce qu’on considère être la science. » Ses recherches s’échelonnent de la fin des années 1890 jusqu’à l’accession des communistes au pouvoir en 1949.
« À l’époque, beaucoup de choses arrivaient de l’étranger : maladies, objets, idées », explique-t-elle. Au même moment, le lecteur moyen, qui n’était que peu instruit, devait composer avec les bouleversements de son temps, comme les flambées de choléra, l’augmentation de la production d’opium, et l’arrivée de nouvelles technologies telles que l’électricité.
« J’ai choisi quelques problèmes récurrents, puis j’ai essayé de saisir ce que les gens savaient sur ces questions. Je suis partie du principe que leurs connaissances avaient de la valeur, parce qu’elles se basaient sur une expérience en laquelle ils avaient confiance. On peut tirer des leçons de leurs apprentissages, en particulier de la médecine chinoise, de leur manière de voir la nature et, plus largement, de leur manière d’aborder des questions complexes sur le savoir et la politique. »
Mme Judge prévient que tout pays prend des risques en ignorant ce genre de connaissances, citant en exemple les savoirs autochtones au Canada et ailleurs dans le monde.
« On peut faire des liens très directs avec d’autres formes de savoirs autochtones. On en voit les traces partout dans le monde occidental, avec la détérioration de l’environnement. On n’en serait pas au même point si on avait été plus réceptif à la vision et à l’approche qu’ont les communautés autochtones de la nature, et à leur manière de la respecter. »
« Le savoir n’est pas statique, il évolue à mesure qu’on trace des liens. Le danger qui nous guette est d’avoir une visée de purification du savoir, de vouloir le réinventer ou le calquer sur le mode de vie occidental, ou encore de s’accrocher à une idéologie. On se ferme trop de portes avec cette approche. »
Mme Judge est reconnaissante d’avoir pu rassembler les sources nécessaires à sa recherche, étant donné le contexte politique chinois actuel et les restrictions liées aux déplacements. Elle espère pouvoir consigner le résultat de son travail dans un livre dans l’année à venir.
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Victoria Kaspi
Prix Shaw
AstronomieVictoria Kaspi
Une astrophysicienne étudie les sursauts radio rapides qui parsèment l’Univers
Prix Shaw
AstronomieVictoria Kaspi, astrophysicienne et professeure de physique à l’Université McGill, tente de percer les secrets de l’Univers. Plus spécifiquement, elle étudie les sursauts radio rapides (SRR), de mystérieuses émissions d’ondes radio qui surviennent partout dans le ciel. Ce sont de très courts signaux lumineux, d’une durée de quelques millièmes de secondes en général, très intenses, provenant des confins de notre galaxie.
« On ne sait pas de quoi il s’agit précisément, explique Mme Kaspi. Pour l’instant, on tend à penser qu’il s’agit de magnétars, des étoiles à neutrons à fort champ magnétique. On n’en est pas certain, et les SRR pourraient même être composés de différents types d’objets. »
Mme Kaspi et son équipe étudient les SRR grâce au télescope CHIME, un nouveau radiotélescope situé à Penticton, en Colombie-Britannique.
Cette année, Mme Kaspi et Chryssa Kouveliotou, de l’Université George Washington, ont remporté conjointement le prestigieux prix Shaw en astronomie pour leurs contributions à la compréhension des magnétars. Le site Web officiel du prix rapporte que : « grâce aux nouvelles techniques d’observation précises qu’elles ont développées, les chercheuses ont confirmé la présence d’étoiles à neutrons possédant de très forts champs magnétiques et ont pu définir leurs propriétés physiques. Leurs travaux confirment que les magnétars sont un nouveau type d’objet astrophysique important. »
Ces travaux découlaient d’un projet mené par Mme Kaspi sur l’observation des magnétars dans la Voie lactée à l’aide de télescopes à rayons X, comme le Rossi X-ray Timing Explorer ou l’observatoire Swift de la NASA. « Avec mes étudiants, nous avons analysé un type d’objet qui a ensuite été nommé “pulsar X anormal”, et avons pu confirmer qu’il s’agissait en fait de magnétars, ce qui fait plus que doubler le nombre de magnétars connus. »
Remporter le prix Shaw est pour elle extrêmement gratifiant, en particulier parce qu’elle le partage avec Chryssa Kouvelietou, dont elle « admire le travail depuis de nombreuses années ».
À propos des retombées de ses recherches sur les SRR, Mme Kaspi affirme : « Des explosions extrêmement puissantes se produisent naturellement, et je crois qu’il est important de comprendre les phénomènes physiques qui pourraient l’expliquer. De plus, même si on n’arrive pas à comprendre leur origine, les SRR sont très pratiques pour sonder l’Univers. Ils ont amassé de l’information sur le milieu d’où ils viennent, et on peut ainsi avoir de nouvelles perspectives sur la structure et la composition du milieu intergalactique. »
Mme Kaspi affirme que les récompenses internationales comme le prix Shaw jouent un grand rôle : « Elles montrent, grâce à la reconnaissance d’un jury international, que le Canada réalise des percées scientifiques importantes, ce qui attire les meilleurs étudiants et postdoctorants du monde au pays et améliore le calibre de notre milieu scientifique. »
« Je crois aussi que ça prouve au gouvernement fédéral et à la population canadienne que les fonds publics investis en science portent leurs fruits. »
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Gordon Keller
Grand Prix scientifique de la Fondation Lefoulon-Delalande
MédecineGordon Keller
Un prestigieux prix de l’Institut de France récompense des travaux révolutionnaires en culture de tissus cardiaques
Grand Prix scientifique de la Fondation Lefoulon-Delalande
MédecineDans le laboratoire de Gordon Keller, des chercheurs parviennent à cultiver des cellules cardiaques qui battent dans une boîte de Petri. Bien qu’il date d’il y a plusieurs années, cet incroyable exploit, qui constitue une percée dans la production de tissus cardiaques, a enfin été récompensé en 2021 lorsque la Fondation Lefoulon-Delalande a remis le Grand Prix scientifique à M. Keller.
Ce prix d’une valeur de 600 000 euros est décerné tous les ans à un chercheur de renommée mondiale pour sa contribution majeure à la recherche cardiovasculaire et à la médecine.
Le Grand Prix scientifique souligne les travaux de M. Keller, directeur de l’Institut McEwen sur les cellules souches et chercheur principal au Centre Princess Margaret sur le cancer du Réseau universitaire de santé à Toronto, qui portent sur les mécanismes de régulation de la différenciation des cellules souches pluripotentes humaines, un type de cellules souches spécialisées. Son équipe s’intéresse à la manière dont elles peuvent produire des cellules sanguines et cardiaques, et les résultats sont révolutionnaires.
« Nous pouvons cultiver ces cellules souches dans des boîtes de Petri, explique-t-il. Mais surtout, on peut les orienter afin qu’elles produisent différents types de cellules. Lorsqu’on les pousse à produire des cellules cardiaques, on sait qu’on a réussi parce qu’elles se mettent à battre. C’est tout simplement spectaculaire. »
À partir de ces cellules souches pluripotentes humaines, M. Keller et son équipe sont maintenant capables de cultiver la plupart des types de cellules sanguines et cardiaques de l’humain. « Aujourd’hui, nous sommes sans doute en mesure de cultiver au moins six différents types de cellules du cœur humain, précise-t-il. C’est une avancée très importante, car on peut maintenant utiliser ces cellules pour étudier des maladies qui touchent différentes régions du cœur et mettre au point de nouvelles approches pour les traiter. »
Son équipe tente aussi de produire différents types de cellules immunitaires à partir de cellules souches pluripotentes humaines, qui pourraient non seulement jouer un rôle dans la lutte contre le cancer et les infections, mais également dans la régulation de la réponse auto-immune chez les patients.
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Eugenia Kumacheva
Bourse de recherche Guggenheim
ChimieEugenia Kumacheva
Une chimiste développe une immense variété de microtumeurs pour améliorer la précision des traitements en oncologie
Bourse de recherche Guggenheim
ChimieEugenia Kumacheva, chimiste à la University of Toronto, utilise le pouvoir de l’automatisation et de l’intelligence artificielle pour aider à déterminer le bon programme thérapeutique pour les patients atteints de cancer et d’autres maladies.
Les travaux de Mme Kumacheva portent sur les « matières molles », plus précisément les polymères, colloïdes, cristaux liquides, hydrogels et tissus biologiques. Elle a conçu et créé des matières molles destinées à de nombreux usages, comme l’administration des médicaments, le génie tissulaire, les télécommunications et la sécurité.
Pour le traitement du cancer, ses travaux comprennent le développement de microtumeurs.
« Elles peuvent être développées à partir de cellules modèles immortalisées ou être prélevées de patients par biopsie, explique-t-elle. Nous utilisons une immense variété de modèles de tumeurs pour analyser les médicaments individuels et les polychimiothérapies. »
« La question est de savoir comment une variété de médicaments peuvent être administrés, soit de façon combinée ou dans une séquence précise, à quel dosage et à quel intervalle. Par exemple, le premier, suivi du deuxième, puis du troisième, ou le premier et le deuxième ensemble. Il existe d’innombrables combinaisons. »
Le défi consiste à étudier toutes les options en même temps. « Mon équipe et moi travaillons avec des laboratoires sur puce de la taille d’une carte de crédit qui nous permettent d’analyser des combinaisons de médicaments de façon beaucoup plus efficace. »
Ses travaux se rapportent également à l’automatisation et à la contribution aux mégadonnées. « Une grande partie de l’information sur la formulation d’un nouveau médicament et son administration peut être obtenue au moyen de l’apprentissage machine, soutient-elle. Nous pouvons utiliser certains algorithmes, en collaboration avec mon collègue, le professeur Aspuru-Guzick, pour décider quelle sera la prochaine expérience selon les résultats de la précédente.
« Je dirais que nous sommes à l’avant-garde, car nous utilisons l’automatisation, au lieu du travail humain, et l’intelligence artificielle dans la prise de décisions, soit deux façons de gagner temps et argent. »
Ses travaux de recherche recèlent un immense potentiel pour la médecine de précision en oncologie. « Après leur chirurgie, les patients disposent d’un certain temps avant d’entamer la chimiothérapie. Nous espérons en profiter pour décider quel médicament, quel dosage et quelle combinaison seront les plus efficaces pour chaque patient atteint d’un cancer. »
« Cela dépend de plusieurs facteurs comme l’âge et le sexe. À l’heure actuelle, on se fie aux statistiques. Avec notre approche, qui consiste à prélever les cellules cancéreuses d’un patient et à développer une tumeur, nous pouvons déterminer quel traitement serait potentiellement le plus efficace pour cette personne. »
Au sujet de la bourse Guggenheim, Mme Kumacheva déclare qu’il s’agit d’un « immense honneur. Ce n’est pas qu’une simple bourse. Je suis honorée de figurer parmi les gens exceptionnels qui l’ont déjà reçue. »
La bourse Guggenheim aidera Mme Kumacheva à embaucher des chercheurs postdoctoraux, à acheter de l’équipement pour son laboratoire et à voyager afin de faire part de ses découvertes à des équipes de recherche partout dans le monde.
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Yevgeny Liokumovich
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesYevgeny Liokumovich
Une bourse Sloan permettra à un mathématicien spécialisé en topologie de collaborer en personne
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesPour Yevgeny Liokumovich, un mathématicien à la University of Toronto à Mississauga, l’impossibilité de collaborer en personne avec ses collègues a été une conséquence fâcheuse de la pandémie de COVID‑19. Heureusement, grâce à l’assouplissement des restrictions de voyage et à la bourse Sloan qu’il a obtenue en 2021, M. Liokumovich pourra rencontrer ses collaborateurs étrangers et poursuivre ses travaux en analyse géométrique.
« C’est primordial, parce qu’en ce moment surtout, les mathématiques requièrent un très grand degré de collaboration, explique-t-il. Il faut absolument parler aux gens, ce qui était difficile en raison de la pandémie. Parfois, il faut se réunir dans la même pièce pour faire des progrès. »
Les travaux de recherche de M. Liokumovich portent sur les espaces et leurs propriétés. « Par exemple, il y a longtemps, nous croyions que la Terre était plate. Puis, progressivement, nous avons réalisé qu’elle avait une forme complexe. Elle nous semblait plate, mais à grande échelle, elle s’arrondit. C’est la même chose pour les espaces de grande dimension », poursuit-il.
« Lorsqu’on les aborde du point de vue des mathématiques et de façon rigoureuse, on peut découvrir des choses difficiles à imaginer. On se retrouve devant des situations imprévues. On peut décrire des espaces assez intéressants et complexes. On peut essayer de comprendre leur nature et le type de propriétés qu’ils possèdent. »
« Voilà une grande partie de mon travail : étudier des espaces simples à l’intérieur de grands espaces complexes, et analyser leur relation. »
M. Liokumovich indique que les activités de recherche dans ce domaine ont plusieurs utilités, notamment en robotique et en analyse de données de recherche en oncologie.
« La géométrie est importante en soi, car il est possible d’y recourir pour concevoir de nombreux problèmes qui, à la base, ne semblent avoir aucun lien avec la discipline. On retrouve de nombreux cas où les techniques de géométrie ont servi à régler des problèmes en imagerie médicale, en physique et en génie.
M. Liokumovich dit avoir hésité à présenter sa candidature pour une bourse Sloan, avant que le directeur de son département l’y encourage.
« J’en suis très reconnaissant, dit-il. C’était la bonne décision. »
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Benjamin J. Matthews
Bourse de recherche Sloan
ZoologieBenjamin J. Matthews
Un zoologiste étudie les capacités d’adaptation olfactives et gustatives du moustique
Bourse de recherche Sloan
ZoologieBen Matthews cherche à savoir comment les moustiques femelles choisissent où pondre leurs œufs. Professeur adjoint au Département de zoologie de la University of British Columbia, M. Matthews sait que de telles découvertes pourraient avoir des conséquences importantes sur la santé humaine.
« Nous étudions comment les moustiques sentent et goûtent, dit-il. Nous voulons comprendre la façon dont les odeurs et les goûts dans leur environnement leur permettent de déterminer ce qui fera un bon repas. Selon le stade du cycle de vie du moustique, il peut s’agir du sang d’un humain ou du nectar d’une fleur. Ces jours-ci, nous nous intéressons particulièrement à la ponte des œufs, c’est-à-dire comment les moustiques femelles choisissent où pondre. »
M. Matthews a reçu une bourse Sloan en 2021 en reconnaissance de ses travaux sur la capacité des moustiques et d’autres insectes à adopter des comportements d’adaptation, notamment la sélection de sites de ponte convenables.
« Le fait de comprendre comment les moustiques femelles décident de pondre pourrait sembler anodin, explique-t-il, mais il faut savoir que l’insecte est aquatique aux stades de développement de larve et de pupe. Cela signifie que peu importe où les œufs sont pondus, c’est à cet endroit que la progéniture va vivre. Et comme les moustiques qui sont au stade précoce du développement ne peuvent pas se déplacer comme un animal terrestre, le choix du site de ponte est extrêmement important. La femelle doit choisir un plan d’eau qui n’est pas trop salé, qui contient de la nourriture et qui est exempt de prédateurs. C’est là que l’odorat et le goût entrent en jeu. »
Les travaux dans le laboratoire de M. Matthews portent sur le comportement des moustiques sur le plan génétique. Quels types de gènes et de protéines les moustiques femelles utilisent-elles pour percevoir les signaux chimiques dans l’environnement? Comment leur cerveau traite-t-il ces signaux?
« Si l’insecte reçoit des signaux sensoriels contradictoires, comment peut-il les évaluer afin de prendre la meilleure décision pour lui et sa progéniture? »
Les réponses sont importantes pour la santé humaine, car les moustiques constituent des vecteurs mortels d’arbovirus pathogènes qui causent la dengue, la fièvre jaune, la fièvre Zika et le chikungunya.
« Il faut comprendre un animal avant d’imaginer des façons de le contrôler », affirme-t-il. La recherche pourrait mener à des pièges et à des répulsifs améliorés, par exemple. « Nous avons certainement hâte de trouver des applications, mais pour l’instant nous effectuons principalement de la recherche fondamentale. »
M. Matthews mentionne que la bourse Sloan est spéciale en raison de son financement sans contraintes, qui permet aux chercheurs de poursuivre des « expériences audacieuses ».
« Nous pouvons essayer une ou deux idées folles et voir où ça mène. C’est extrêmement libérateur. »
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Alison McAlpine
Bourse de recherche Guggenheim
Film et vidéoAlison McAlpine
Une bourse aide une cinéaste à réaliser un film « hybride » inspiré de la vie de son grand-père
Bourse de recherche Guggenheim
Film et vidéoLa cinéaste et écrivaine Alison McAlpine, lauréate de 2021 d’une bourse Guggenheim dans la catégorie film et vidéo, brouille les frontières entre le documentaire et la fiction.
« Toutes mes œuvres, d’une certaine façon, sont personnelles, dit-elle. Bien sûr, tout est relié à mon imagination, à mon expérience de poète et aux importantes contributions de mes collaborateurs. »
La bourse Guggenheim l’aidera à réaliser son film actuel, Dr. Procter, inspiré de la vie de son grand-père, un médecin dépendant des opioïdes dans les années 1920-1940.
« La bourse me permet d’adopter une approche hybride entre le documentaire et la fiction, explique-t-elle. Elle financera une partie importante du processus de création, me permettant ainsi d’explorer sans restriction, ce qui est habituellement difficile à faire en raison des structures financières propres au milieu du cinéma. »
Ces structures requièrent notamment une prise de décisions rapide quant au choix des collaborateurs. « La bourse me permet de travailler, pendant la phase initiale d’exploration du projet, avec qui je veux, n’importe où dans le monde. »
Ses recherches lui ont permis de rencontrer des médecins canadiens, américains et écossais qui sont également d’anciens toxicomanes. « Ces collaborateurs fourniront des conseils et de l’expertise pour débrouiller les complexités de la dépendance et de la désintoxication. Plusieurs d’entre eux seront dans le film. »
La cinéaste, qui était également écrivaine en résidence Mordecai-Richler à l’Université McGill l’année de l’éclosion de la COVID-19, décrit la bourse Guggenheim comme un « énorme privilège et honneur », et mentionne que même la préparation du dossier de candidature était une expérience enrichissante en soi.
« Elle a nourri ma réflexion, car il fallait répondre aux questions de façon très brève. C’était une démarche très exigeante, mais très utile sur le plan artistique. »
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Amira Mittermaier
Bourse Guggenheim
ReligionAmira Mittermaier
Rédiger une ethnographie de Dieu grâce à une bourse Guggenheim
Bourse Guggenheim
ReligionAmira Mittermaier, lauréate d’une bourse Guggenheim en études religieuses, aborde un sujet très exigeant : l’ethnographie de Dieu.
« D’habitude, une ethnographie est un livre écrit à propos d’un endroit, d’un peuple, d’une communauté ou d’une personne. De mon côté, je tente de placer Dieu au centre de mon texte ethnographique, ce qui est paradoxal et complexe, soutient la professeure de la University of Toronto. Pour moi, il s’agit d’un défi rédactionnel fort intéressant. »
Mme Mittermaier s’intéresse particulièrement à Dieu en tant que figure centrale dans la vie des musulmans. « Je m’intéresse à l’islam et à la façon de le pratiquer sur le terrain, en observant comment les gens intègre la tradition religieuse dans leur quotidien. »
Soutenu par une bourse Guggenheim, son projet actuel « s’appuie sur l’anthropologie de l’islam, mais aussi de la vie musulmane, et sur la signification que cette religion revêt dans un endroit comme l’Égypte ».
« Ce travail m’interpelle aussi parce que je trouve que mon domaine, l’anthropologie de l’islam, ne donne pas assez d’espace à Dieu, comme si Dieu n’était pas vraiment une figure centrale. Pour avoir une meilleure compréhension de l’islam, il faut donner de la place à Dieu. »
« C’est aussi un moyen pour moi de déconstruire une compréhension stéréotypée de l’islam en tant que pendant du christianisme. En effet, l’islam a parfois été décrit, même par le pape Benoît XVI, comme la religion de la transcendance, avec un Dieu retiré, inaccessible et inexplicable, ce qui est faux selon moi. Dieu peut être intimement présent dans la vie des musulmans. »
La bourse Guggenheim permettra à Mme Mittermaier de prendre congé de l’enseignement et de ses responsabilités administratives pour rédiger son étude ethnographique de Dieu.
« C’est le grand avantage de la bourse, dit-elle. Le temps gagné. »
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Kevin Lewis O’Neill
Bourse de recherche Guggenheim
AnthropologieKevin Lewis O’Neill
Un anthropologue étudie l’exil d’agresseurs sexuels du clergé en Amérique centrale
Bourse de recherche Guggenheim
AnthropologieLes travaux de recherche de Kevin Lewis O’Neill sur les abus sexuels commis par des membres du clergé de l’Église catholique romaine, particulièrement sur le transfert de prêtres agresseurs nord-américains en Amérique centrale pour leur permettre d’éviter des poursuites, verront bientôt le jour sous forme de livre grâce à une bourse Guggenheim.
« J’y raconte comment l’Église a tenté pendant 40 ans d’échapper à ses responsabilités », explique M. O’Neill, professeur de théologie à la University of Toronto.
« C’est un travail de recherche difficile pour plusieurs raisons, confie-t-il. Les observations sont limitées par le type de poursuites possibles en Amérique du Nord. Il n’y a pas vraiment de tribunal international qui peut intervenir, et il est plus facile de recueillir des preuves d’abus et d’intenter des poursuites aux États-Unis et au Canada. »
Il ajoute que faire des travaux sur le sujet peut être démoralisant : « C’est extrêmement dur. Je passe beaucoup de temps à échanger avec les survivants des violences sexuelles commises par des membres du clergé… c’est éprouvant. Et il y a aussi la complexité de bien comprendre à quel point l’Église se protège non seulement d’un point de vue juridique, mais aussi dans l’œil du public. »
« Ce qui m’anime, par contre, c’est l’idée que mes travaux puissent créer un précédent, et que les victimes de violences sexuelles commises par des prêtres américains en Amérique centrale puissent réclamer une part des réparations conclues aux États-Unis. Je suis très motivé à l’idée qu’une justice transnationale soit instaurée en ce qui a trait aux abus sexuels commis par des membres du clergé. »
Les travaux de M. O’Neill sur le sujet sont presque terminés. Ils s’orchestrent surtout autour de la relocalisation de prêtres de quelques diocèses du Minnesota au Guatemala. Ils portent également sur un centre de thérapie sexuelle dirigé par l’Église et situé au Nouveau-Mexique, où plusieurs prêtres ont été envoyés.
« Je fais aussi des recherches au Vatican, ajoute-t-il. J’y suis allé plusieurs fois. »
Lorsque le Vatican a voulu transférer des prêtres des États-Unis en Amérique latine pour combler le manque à l’époque, il a fallu se demander qui envoyer. « La prise de décision était parfois facilitée lorsque des soupçons pesaient sur un membre du clergé ou qu’il semblait poser problème », explique M. O’Neill. À partir du XXe siècle, le Guatemala est donc devenu un dépotoir à prédateurs du clergé. »
Grâce à la bourse Guggenheim, M. O’Neill pourra se consacrer à la publication d’un livre au sujet de ses travaux de recherche.
Il affirme qu’obtenir la bourse est « un signe d’encouragement qui confirme la direction de mon travail et me motive à être encore plus ambitieux. »
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Sophie Rousseaux
Bourse de recherche Sloan
ChimieSophie Rousseaux
Une chimiste cherche un moyen durable de produire des matériaux synthétiques
Bourse de recherche Sloan
ChimieSophie Rousseaux, titulaire de la chaire de recherche du Canada en chimie organique à la University of Toronto, explore les méthodes durables permettant de synthétiser les molécules qui entrent dans la composition de médicaments, de plastiques et d’autres produits du quotidien.
« Nous savons comment produire beaucoup de ces molécules, mais pour répondre aux besoins sociétaux qui prennent de l’ampleur, nous devons améliorer l’efficacité de notre approche tout en générant moins de déchets », explique-t-elle. Mme Rousseaux a reçu une bourse de recherche Sloan en 2021 pour ses travaux prometteurs.
Ses travaux de recherche sont axés sur la découverte de nouvelles méthodes de synthèse de petites molécules biologiquement actives et importantes pour la confection de médicaments, notamment par la catalyse par métaux de transition. Il s’agirait d’une percée d’importance pour les secteurs des biotechnologies, de l’agrochimie et des matériaux. Ses découvertes en chimie synthétique pourraient servir, entre autres, à concevoir de nouvelles approches pour protéger les cultures des conditions météorologiques extrêmes.
Elles pourraient également permettre de faire des économies. « Plus le procédé de synthèse est long, plus il est coûteux pour les entreprises », remarque-t-elle.
Pour Mme Rousseaux, l’obtention d’une bourse de recherche Sloan est « un grand honneur et une reconnaissance exceptionnelle du travail acharné effectué par mon groupe d’étudiants au cours des six dernières années. Je veux tous les remercier. » Son équipe de recherche compte actuellement neuf étudiants au doctorat et un au baccalauréat.
« Cette bourse nous permettra de prendre des risques et d’explorer des avenues difficiles à financer sans données préliminaires ou preuve de concept. »
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Egor Shelukhin
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesEgor Shelukhin
Un professeur de mathématiques reçoit une bourse Sloan pour ses travaux en topologie symplectique, un domaine en pleine expansion
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesEgor Shelukhin, membre de l’axe de géométrie et topologie du Département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal, est lauréat de 2021 d’une bourse Sloan pour son travail en topologie symplectique, une branche des mathématiques qui connaît un grand essor.
« À la base, cette approche fait appel à diverses facettes de la géométrie et de la topologie ainsi qu’à la physique moderne, explique-t-il. Les méthodes de la théorie des cordes sont utilisées pour démontrer de nouveaux résultats en mécanique classique. »
La topologie symplectique tire son origine de la mécanique classique, en particulier du travail d’Henri Poincaré sur le problème à trois corps. Elle a été revitalisée à la fin des années 1970 et au début des années 1980 par l’apparition de méthodes variationnelles dans les équations différentielles non linéaires partielles, surtout dans la foulée du travail de Mikhail Gromov sur la notion de courbe pseudoholomorphe.
« La topologie symplectique interagit avec de nombreuses autres disciplines mathématiques, explique M. Shelukhin. Elle fournit des éléments de réponse importants à différentes questions mathématiques. »
Les activités de recherche de M. Shelukhin s’étendent au-delà de la topologie symplectique. « J’applique des méthodes qui sont apparues dans une branche de la science des données, soit l’analyse des données topologiques, afin de résoudre des questions quantitatives de topologie symplectique. La topologie symplectique s’appuie sur une foule de méthodes et de techniques empruntées à différents domaines des mathématiques. »
À propos de la bourse Sloan, il mentionne être très heureux de voir ses travaux de recherche être « reconnus avec une telle distinction. Plusieurs de mes héros dans le domaine des mathématiques figurent parmi les anciens lauréats. »
M. Shelukhin compte utiliser la bourse pour recruter d’autres chercheurs postdoctoraux qui pourront l’assister dans travaux.
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William Slofstra
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesWilliam Slofstra
Un mathématicien vise à prouver l’insoluble
Bourse de recherche Sloan
MathématiquesLes mathématiciens tentent habituellement de trouver la solution à un problème, mais William Slofstra, professeur adjoint en mathématiques pures à la University of Waterloo, a prouvé que certaines choses resteront irrésolues.
« Il y a de ces problèmes mathématiques qu’on cherche à résoudre, en faisant un calcul qui donnerait une solution chiffrée, par exemple. Mes travaux démontrent que certains des grands problèmes qui relèvent de l’information et de l’informatique quantiques ne peuvent pas être résolus. »
M. Slofstra, qui a obtenu une bourse Sloan en 2021, confie que ses travaux sur les mathématiques de l’informatique quantique lui apportent souvent une grande satisfaction, « en particulier quand on a passé beaucoup de temps à chercher une solution, sur laquelle on s’acharne parfois, et finalement on se dit “Pourquoi est-ce que je n’y arrive pas? Vais-je passer le restant de mes jours à me demander comment résoudre le problème, croyant que je n’y parviendrai jamais?” Eh bien, quand on montre qu’il est impossible de résoudre un problème, on comprend pourquoi on n’y arrive pas. On s’épargne bien du temps, et on en épargne aux autres. »
Les travaux du mathématicien ont inspiré d’importantes découvertes d’autres chercheurs.
La candidature de M. Slofstra, qui est membre de l’Institut d’informatique quantique de la University of Waterloo, a été proposée pour une bourse Sloan par David McKinnon, directeur du Département de mathématiques pures de la University of Waterloo. Dans un article de l’Université sur l’obtention de la bourse, M. McKinnon a qualifié M. Slofstra d’« étoile montante » du domaine et a parlé de son « énorme talent et potentiel ».
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Jorge Thielen Armand
Bourse Guggenheim
Film-vidéoJorge Thielen Armand
Un réalisateur canado-vénézuélien applaudi se consacre à son art grâce à une bourse Guggenheim
Bourse Guggenheim
Film-vidéoComme plusieurs étudiants canadiens, Jorge Thielen Armand s’est réorienté lorsqu’il était à l’université. Ce virage a été déterminant pour le réalisateur canado-vénézuélien.
Un peu touche-à-tout durant ses études de baccalauréat en arts à la St. Thomas University, à Fredericton, M. Thielen Armand a d’abord été attiré par le journalisme.
« J’ai découvert plusieurs auteurs, raconte-t-il, et je me suis rendu compte que le cinéma combinait plusieurs de mes centres d’intérêt. » M. Thielen Armand, qui est né à Caracas, au Venezuela, explique qu’il voulait « explorer ce qu’il avait laissé derrière et l’endroit où il se trouvait maintenant ».
« J’ai entamé des études en communication à l’Université Concordia, et là-bas, à Montréal, j’ai côtoyé des professeurs exceptionnels qui m’ont vraiment aidé à trouver ma voie et à comprendre les rouages du cinéma indépendant. »
M. Thielen Armand a aujourd’hui deux longs-métrages à son actif et est lauréat d’une bourse Guggenheim.
Par l’entremise de la maison de production canado-vénézuélienne La Faena, qu’il a cofondée, il crée des films qui remettent en question la réalité par le biais de l’introspection et de points de vue tranchés, tout en mettant de l’avant l’identité vénézuélienne contemporaine. Ses œuvres ont été diffusées et acclamées dans de nombreux festivals internationaux.
Son premier long-métrage, La Soledad (2016), a été présenté pour la première fois à la 73e édition de la Mostra de Venise puis diffusé dans plus de 60 festivals, remportant plus d’une douzaine de prix. La Fortaleza (2020), son deuxième long-métrage, était en lice pour un Tigre d’or lors du 49e Festival international du film de Rotterdam, avant d’être diffusé dans d’autres grands festivals à Pusan, à Guadalajara, à Gijón et au Caire.
« J’étais sans mot », se remémore-t-il à propos du moment où il a su qu’il recevrait une bourse Guggenheim. « Je me sentais privilégié. »
M. Thielen Armand, qui a 31 ans, explique être le plus jeune lauréat de la bourse cette année. « Ça me donne confiance en l’avenir. » Grâce au soutien financier qui accompagne la bourse, le réalisateur pourra se consacrer à son art à temps plein cette année.
C’est d’ailleurs ce qu’il souhaite faire encore pour les années à venir, avec « d’autres projets qui lui tiennent vraiment à cœur. »
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Jacob Tsimerman
Prix New Horizons
MathématiquesJacob Tsimerman
Un jeune mathématicien récompensé pour ses travaux prometteurs
Prix New Horizons
MathématiquesJacob Tsimerman, chercheur à la University of Toronto, a reçu un prix New Horizons en mathématiques de la Fondation Breakthrough Prize. Ce prix, décerné à des chercheurs en début de carrière pour leurs contributions à la physique et aux mathématiques, récompense M. Tsimerman pour ses « travaux exceptionnels en théorie analytique des nombres et en géométrie arithmétique, de même que pour ses découvertes sur la conjecture d’André-Oort et la conjecture Griffiths. »
M. Tsimerman précise que ses travaux portent sur « le domaine des mathématiques qui s’intéresse aux additions et aux multiplications des nombres entiers. La théorie des nombres vise à comprendre le comportement des nombres premiers, combien il en existe, et s’ils peuvent être la solution à certaines équations algébriques ».
M. Tsimerman est notamment reconnu pour sa contribution à la preuve d’une hypothèse mathématique nommée conjoncture d’André-Oort.
En entamant ses études de cycle supérieur, le lauréat n’avait que très peu de connaissances au sujet de la recherche en mathématiques. C’est au travers des problèmes intéressants proposés par son directeur de thèse qu’il a trouvé le chemin de la recherche en théorie des nombres.
« J’ai fini par me faire une petite place dans le monde de la recherche », raconte-t-il.
Pour lui, les grands prix de recherche internationaux donnent « un objectif à atteindre ».
« C’est aussi une bonne chose de déterminer collectivement les avenues de recherche qui valent la peine d’être explorées », ajoute-t-il.
M. Tsimerman était le plus jeune membre du Département de mathématiques de la University of Toronto lorsqu’il a rejoint ses rangs en 2014 en tant que professeur adjoint.
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Description des prix
Description des prix
Description des prix
Bourses de recherche Guggenheim
Depuis sa création en 1925, la Fondation commémorative John Simon Guggenheim a accordé plus de 400 millions de dollars en bourses à plus de 18 000 personnes. On retrouve parmi les boursiers de nombreux lauréats de prix Nobel, de médailles Fields, de prix Pulitzer, Turing et Bancroft, du National Book Award, et d’autres prestigieux prix internationaux, ainsi que des membres de diverses académies nationales.
Prix Frontiers of Knowledge de la Fondation BBVA
Les prix Frontiers of Knowledge de la Fondation BBVA visent à souligner et à favoriser les activités de recherche et de création artistique de calibre mondial, en récompensant les personnes dont les travaux perdureront par leur originalité et leur apport théorique et ont repoussé les frontières du savoir. Ces prix internationaux sont décernés pour les huit catégories suivantes : sciences fondamentales (physique, chimie, mathématiques), biomédecine, écologie et biologie de conservation, technologies de l’information et des communications, sciences économiques, finance et gestion, musique contemporaine, lutte contre les changements climatiques et coopération internationale.
Bourses de recherche Sloan
Les bourses de recherche Sloan sont décernées chaque année à des chercheurs et des universitaires en début de carrière dont les réalisations et le potentiel font d’eux des étoiles montantes et d’influents chefs de file. Elles comptent parmi les bourses les plus anciennes décernées par la Fondation Alfred P. Sloan, un organisme philanthropique à but non lucratif dont le siège se trouve à New York. La Fondation subventionne les travaux de recherche originaux et l’enseignement dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie, des mathématiques et de la performance économique. En 2021, le montant de la bourse était de 75 000 dollars.
Prix internationaux Canada Gairdner
La Fondation Gairdner a été créée en 1957 dans le but de souligner et de récompenser l’excellence internationale en matière de recherche fondamentale visant à améliorer la santé humaine. Les prix internationaux Canada Gairdner récompensent des scientifiques issus de divers domaines pour leurs découvertes ou leurs contributions majeures à la science biomédicale.
Prix Shaw
Le prix, créé en novembre 2002 grâce au soutien de Run Run Shaw, récompense les personnes qui, indépendamment de leur race, nationalité ou croyances religieuses, ont accompli des percées remarquables en matière de recherche théorique ou expérimentale, universitaire et scientifique, ayant eu un effet positif et transformateur sur l’humanité. Le prix est composé de trois récompenses décernées annuellement dans les domaines suivants : astronomie, sciences de la vie et médecine, ainsi que sciences mathématiques. Chaque récompense a une valeur de 1,2 million de dollars américains.
Grand Prix scientifique de la Fondation Lefoulon-Delalande
Le Grand Prix scientifique est décerné annuellement par la Fondation Lefoulon-Delalande de l’Institut de France. Il vise à récompenser une personne s’étant illustrée dans le domaine des sciences médicales, et tout particulièrement en sciences cardiovasculaires. Le prix, dont le thème varie chaque année, est accompagné d’une subvention de 500 000 euros.
Grand Prix VinFuture
Le Grand Prix VinFuture, d’une valeur de trois millions de dollars américains, est le premier prix vietnamien récompensant la recherche scientifique et technologique à l’échelle mondiale. Établi en 2021, le prix est décerné pour des travaux de recherche révolutionnaires ou des percées technologiques qui améliorent la qualité de la vie humaine en plus d’ouvrir la voie à un monde équitable et durable pour les prochaines générations. Il est remis par la Fondation VinFuture, fondée par l’homme d’affaires vietnamien Pham Nhat Vuong.
Prix New Horizons
Les prix New Horizons sont décernés à des chercheurs prometteurs en début de carrière qui ont déjà d’importants travaux à leur actif dans les domaines de la physique fondamentale et des mathématiques. Jusqu’à six prix New Horizons sont décernés chaque année. Les prix sont financés par une subvention de la Fondation Breakthrough Prize.
Prix Prince Mahidol de médecine
Le prix Prince Mahidol est une récompense décernée annuellement à une personne ayant accompli d’importantes réalisations dans le domaine de la médecine et de la santé publique à l’échelle mondiale. Le prix, d’une valeur de 100 000 dollars américains, est remis par la Fondation du prix Prince Mahidol, fondée par la famille royale thaïlandaise en 1992.